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mardi 16 octobre 2012

20 Le bateau de fanch.

Ce matin je me rends directement au port, je suis invitée à une partie de pêche avec le roi des pêcheurs, Fanch, le vieux loup de mer.
Il pêche tous les poisons car il sait où aller les chercher, mais aussi comme un peu tous les marins il pose des casiers pour le homard et la langouste. Son bateau lui vient de son père, un vrai bateau de pêcheur avec une vraie cabine où l’on se tient à trois.

L’on y rentre sur un côté seulement par une vraie porte, bien qu’étroite, elle se ferme avec une clenche. A l’intérieur, un loquet supplémentaire afin que les vagues ne l’ouvrent pas une fois calée dans sa feuillure. Pour permettre plus de place, celle-ci s’ouvre vers l’extérieur. Les deux côtés de la cabine sont vitrés. Sur la partie arrière deux hublots. D’ailleurs ils ne servent à rien. Au-dessus de l’un, un clou est planté pour servir de porte-manteau et pour l’autre, le carreau est tellement sale que l’on ne peut voir au travers.

La vitre de devant est séparée en trois parties égales pour faire résistance aux paquets de mer.
La peinture des montants déborde sur celles-ci, au centre se trouve un essuie-glace, de part et d’autre….quelques autocollants des pompiers, de la SNSM, de l’école, etc….Une classique roue en bois comme barre patinée par le temps. De chaque côté du marbre descend une chaine qui plonge sous le plancher dans deux conduits, de chaque côté, la manette des gaz et l’embrayage.

Sur la partie droite, à l’opposé de la porte, dans le coin avant sur une étagère à rebord, un compas mobile, fermé dans sa boite et surtout un clinomètre. C’est cet ustensile qui me fascine le plus, il sert à mesurer la gîte, le panneau en porte la trace. Contre le panneau droit, une pompe à bras, entre le hublot derrière lui, un baromètre avec thermomètre. L’horaire des marées est coincé dans une pince à linge qui elle, est visée sur un des montants,
avec sa montre pendu à un clou.

Tout est bricolage à l’intérieur, même le banc qui lui sert à s’asseoir devant la barre est une planche posée au milieu des deux coffres, ces derniers servent de sièges pour deux autres personnes. Vissée sous le toit de la cabine, une radio qui elle est toute neuve ! Au centre, un plafonnier cassé dont la collerette en inox est piquée par le sel.

Au milieu des deux coffres, une trappe, elle se rabat contre le panneau arrière et s’attache avec un crochet pour descendre dans la cale avant à l’aide d’une petite échelle. En bas dans la poulaine, c’est encore pire, impossible de se tenir debout. Sur l’un des flancs une minuscule couchette, elle épouse les membres, va se caler contre les bordées et termine sur l’autre flanc après avoir enrobé l’étrave d’avant.

On ne peut y dormir qu’en chien de fusil, elle lui sert en fait plus de débarras. Y a-t’il dormi au moins une fois ?
Face à celle-ci, sur l’autre flanc, un minuscule et unique réchaud posé sur une planche bricolé entre deux membres. Sur d’autres planches, des assiettes ébréchées et fêlées, des verres patinés, une poêle culotée comme une vielle pipe, deux casseroles aux poignées tournantes ou branlantes. Sur la cloison centrale séparant la partie arrière une multitude de pointes où pendent mille objets pour la pêche, mais aussi des boules, des mailles, des poulies, des épissoirs, des boutes et filins, des crocs, deux fanaux à Fresnel, sur le sol un taquet de bois, une toletière, une ancre classique, une couronne sous le réchaud et quatre couvertures pour d’éventuels naufragés.

Le tout est éclairé avec une ampoule beaucoup trop faible, aucune autre source de lumière sinon celle du puis de la cabine. Aucun fond de pot de peinture n’est jamais venu en bas, par contre pour la cabine, les tons multicolores viennent incontestablement de divers fonds de pots, ou chaque nouvelle couche a recouvert l’ancienne, c’est sûrement ce que explique toutes les rides dans la peinture. !

La position avancée de la cabine fait que le pont avant est petit, les deux passavants étant étroits il faut se tenir à la lisse et faire attention où l’on marche car les pied des pavois est allongées, une gaffe de sauvetage et sur l’autre flanc un bastroc et un foême. Une fois devant presque tout l’espace est occupé. Sur le pont est vissé un brise lame, il conduit directement vers les dalots. L’étrave d’avant se termine par une bitte à épontille, sur chaque bord, un chaumard, au centre des deux, un taquet de fer est fixé sur le pont.

Presque contre la cabine, un guindeau à manivelle, son câble qui teint l’ancre Marrel passe une bouche de pont, coulisse sur le davier et pivote sur côté de l’étrave. Suspendue contre un panneau de la cabine sous les vitres du devant, une couronne entourée de guirlandes, c’est contre elle que je m’adosse, assise sur le pont, c’est aussi ma place préférée à bord avec les pieds sur la glêne.

Sur tout le tour du bateau est fixée une guirlande dont les anses descendent assez pour que des naufragés puissent s’y suspendre. Fanch a fait un effort particulier afin d’équiper son bateau pour un éventuel sauvetage en mer. Il a une radiogonio avec un Decca Navigator, il est toujours branché sur Radio-Conquet. Aux quatre angles du bateau, il a fixé des échaudis afin de lancer des longs bouts à la mer, il a même bricolé une petite échelle de coupé pour qu’ils leurs soient plus facile de monter à bord.

Le pont arrière est conçu entièrement pour la pêche, au milieu du bateau, derrière la cabine, le mat est fixé en fond de cale dans son emplanture, il se distingue à travers l’écoutille. De chaque côté des haubans on peut apercevoir les deux écrans, rouge à bâbord, vert à tribord et au milieu la boule. Au pied du mât se trouve fixé un mât de charge avec son palan simple, il sert surtout à tendre une bâche en plein été pour se protéger du soleil.

Quelques coffres pour mettre les bouées de casier, les lignes, les épuisettes, les palangnes. Des coffrets plus petit pour les angons, les avançons, et divers hameçons tels les turluts pour les encornets et surtout, son fût de chêne qui lui sert de vivier pour les vifs. La partie arrière est plus fournie que celle de la proue pour un amarrage sans problème les jours de gros temps.

C’est bateau de pêche idéal, sur lequel je suis toujours heureuse de me trouver, j’ai l’impression que dessus, rien ne peut m’arriver ; mais ce qui me fait le plus rire, c’est que dans des coffres il toujours une bouteille de gnole d’avance, c’est un alcool brut d’eau de vie de cidre ! Je me demande souvent si un moteur ne pourrait pas fonctionner avec ! ?
A chaque fois qu’il passe le Youc’h Korz, il s’en enfile une gorgée pour trinquer à la réconciliation entre Saint Guénolé et Saint Gildas.

Selon la légende ces deux saints n’arrêtaient pas de se disputer, un jour, Saint Guénolé prit un caillou et le lança sur Saint Gildas, mais il tomba au milieu de la baie de Lampaul. Ce rocher a maintenant deux utilités, une est celle d’héberger de rares oiseaux marins, des pétrels tempêtes, et l’autre de savoir si l’on peut sortir de la baie. En effet, face au large, se trouve une grotte, lorsque les vagues rentrent à l’intérieur et ressortent en formant un parapluie, si ce dernier se forme bien, impossible de sortir de la baie.

- Ah, ah Muriel, Muriel !
Je reconnu le rire puissant et la forte voix de Franch. Me tournant, je le vois descendre le chemin, il arrive de la Duchesse-Anne avec toujours son pas gaillard, il continu à me parler tout en marchant, arrivé sur le quai alors que je suis sur le plat bord arrière, il me dit :
- Alors moussaillon, on est à son poste, c’est toi qui a ouvert la cabine ?
- Oui Fanch.
- Mais tu sais où est la clef ?
- Tu la caches toujours devant moi… !
Avec son gros rire, il dit :
- Il va donc falloir que je trouve une autre nouvelle cachette !
A peine a-t-il franchi la passé, que sur le pont il ôte sa casquette de toile et salue son bateau.
- Uxisama ! Mon vieux compagnon, je te présente mes hommages matinaux…ah ah ah, il nous faut du poisson pour une cotriade, celle des grands jours de fête, ah ah ah.
Puis il se dirige vers moi, me tend son panier
- Tu le descends dans la poulaine…..as tu ce qu’il faut car on rentre ce soir ?
- Oui oui, j’ai tout prévu.
Curieuse, je regarde l’intérieur et je vois une bouteille de vin blanc, du far noir, du pain et deux boites de pâté.
Pendant ce temps, il descend dans la cale arrière pour faire chauffer le moteur.