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mardi 16 octobre 2012

8 - Quelques jours plus tard… !

Je décide de ma rendre chez ma grand-mère à Pern, depuis toujours les ouessantins appelle cette maison « la maison de la comtesse ». Pourquoi ? Nul ne le sait le dire.
Ce matin, le temps est calme et beau, je sens à peine le vent, je n’ai nul besoin de pédaler dans la descente de Kérc’heré, comme c’est souvent le cas.

Je profite du spectacle, et de la beauté du paysage.
Le phare du Créac’h sur fond de mer avec le croisement des bateaux a quelques chose de grandiose.
Je crois que je ne pourrai jamais m'en lasser. Me laissant descendre en roue libre, j’arrive doucement à la hauteur de Jacqueline, elle porte son chevalet.

- Bonjour Jacqueline
- Ah ! Muriel c’est toi ! Comment tu vas ? tu vas voir les oiseaux ?
- Pas exactement, je vais chez ma grand-mère.
- Comment va Claire ?
- Très bien.
- Tu l’embrasseras pour moi, me dit-elle en continuant à marcher alors que je roule près d’elle.
- Promis…Je vois que tu vas peindre…Tu sais ce que tu vas faire ?
- Oui je vais peindre ma piscine, la Baianet près du Créac’h…. Avec cette lumière et ce temps, j’en profite.
- Tu t’y baignes toujours ? Elle semble étonnée par ma question.
- Bien sûr que je m’y baigne toujours….Pourquoi me demandes-tu cela ?
- Parce-que je la trouve trop profonde, il n’y a pas assez de prise pour remonter sur le bord.

Tout en parlant, elle avait placé son chevalet sur le cageot qui me sert de porte-bagage, elle le maintenait en marchant.

- Il n’y a pas plus de risque qu’à la plage et l’eau est plus chaude.

Elle parlait fermement, assurément, mais je ne pus m’empêcher de penser à Jocelyne, une touriste qui avait été enlevée par une lame de fond à Pern en plein mois d’Août alors qu’elle bronzait sur la plage de galet de Porz Kérac’h, c’est ma grand-mère qui l’avait recueillie.

Je le lui rappelle vaguement cette histoire. Elle se tourne vers moi, me regarde par-dessus ses lunettes et me dit :

- Muriel, une lame de fond c’est quand même chose de très rare et qui peut arriver presque partout autour des côtes d’Ouessant….
- Elle peut te prendre aussi lorsque tu ramasses du pioca, il ne faut pas que tu y penses même si tu as été choquée par cette histoire. Rajoute-t-elle.
- Non, non, les lames de fond c’est plus courant que ça. Il y’en a eu une dans le goulet de Brest, elle a faillit couler l’Enez, il s’est dressé sur la vague comme un cheval cabré, puis a plongé de tout son poids, son nez a enfourné comme dans un abîme, la mer toute entière a envahi le pont jusqu'à la salle des machines, certes, je n’y étais pas, mais Matthieu avec qui j’étais en classe a vécu cela, Il ne voulait plus aller à Brest.
- Je te comprends mais….
- Je vais t’expliquer autre chose, le grand-père de Béatrice, tu sais, celui qui pilote la Ouessantine…
- Oui je connais un peu, de nom.
- Il nous a souvent parlé des trois grosses vagues qui se suivent.
- Je n’en ai jamais entendu parler fit Jacqueline. !
- Dans le fromveur, les jours de gros temps, aussi bien au phare de la Jument qu’à celui de Kéréon, il y a souvent trois grosses lames d’ouest en est, elles ont un bruit particulier que n’ont pas les autres vagues, elles grondent, elles emportent tout sur leur passage. Jean m’a un jour expliqué, qu’ils n’ont dû leur salut que parce qu’il avait réussi à les prendre de face, le nez pointé vers elles, sinon, ils auraient été roulés corps et biens. Selon lui, bon nombre de naufrages sont dus à ces trois lames, rein ne peut les laisser prévoir, sans avoir une parfaite connaissance des lieux et une extrême vigilance.

Très étonnée, Jacqueline me dit.

- Non, non, je ne savais pas…mais je ne veux pas me priver de ce plaisir, je redoublerai de prudence.

Nous arrivons à l’intersection de nos chemins.
Jacqueline rajuste son petit sac à dos, il doit y avoir sa boite de peinture et ses pinceaux, elle reprend son chevalet avec son grand carton tout en marchant, nous nous sommes dit au revoir de la main.
Elle descend à droite vers le Créac’h, je fille sur Pern, directement chez ma grand-mère