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mardi 16 octobre 2012

7 - Feunteun Velen

Puis il donne l’autre poème à Yann, un autre des mes poèmes que je lui avais remis.
Pern :

Figés face à l’océan
Dressés contre les vents
Noyés par les embruns
Invisibles dans les brumes
Ces granites aux formes humaines
Étaient-ils des êtres malfaisants
Privés de résurrection
Punis pour longtemps
Au purgatoire des éléments.

Lisant à haute voix, respectant le ton, la ponctuation, dans ce lieu, la lecture est captivante. Je suis attentive, comme si je n’en étais pas l’auteur, Jean-Yves à l’air rêveur, 
A la fin, il y eu un léger silence, Jean-Yves me dit :

C’est beau, c’est frais, c’est juste. Yann rajoute
- J’aime beaucoup.
- Ça t'a beaucoup plus, lui dis-je.
- Bien sur que oui, ce n’est pas de la flatterie, 

Je me sens rougir, je suis émue, et j’ajoute,

- Vous aller me faire rougir

Je me lève aussitôt, je pars devant en continuant le chemin vers le Prat.

A part quelques tournepierres et des grands gravelots, nous ne trouvons rien d’autre du haut de cette grève. Jean-Yves en a profité pour me rejoindre, Yann est derrière. Pendant la descente jusqu'à la plage du Prat, ce ne fut que futilités dans nos propos, que veut-il me dire pour ne pas y arriver ?

Je n’ai pas envie de le trouver pénible, je n’ai pas cette image de lui, pourquoi est-il mal à l’aise ? « Va doué ». J’espère qu’il ne se fait pas des idées, car je n’ai vraiment pas la tête à ça.

Yann nous à rejoins, il observe quelques bécasseaux situés à l’autre extrémité, je l’entends dire des sanderlings, du chemin, j'imagine leur allure de jouet mécaniques sur le sable, ils suivent et évitent les vagues en courant très vite à la recherche de nourriture. Tout ceci dans un perpétuel mouvement.

Le Prat est une petite crique, tous les chemins y accédant sont en forte pente, à marée haute, la plage de sable est recouverte par le flot, s’il n’y avait pas quelques bateaux aux corps-morts, l’endroit semblerait inhospitalier.
Je suis avec Jean-Yves au dessus de la plage, Yann est devant nous, à quelques mètres.
- Muriel je ne pas te presser, mais je commence à avoir faim depuis un moment.

Je pensais en moi-même c’était donc cela qu’il voulait me dire !

- Yann, on y va, on rentre. Dis-je en l’appelant 
- J’arrive, répond t-il 
Alors que nous montons le chemin jusqu’à la route pour rejoindre Ty Korn, il me demande comment s’était passé ma rencontre avec mon père.
Après lui avoir expliqué celle avec ma grand-mère sur le port, je lui dis qu’une fois chez moi, j’ai juste pris le temps de faire une bise à ma mère afin de la rassurer tout en la prévenant que je filais sur Porz doun, puis aussitôt, je suis aller dans la réserve pour poser ma valise, j’ai pris le vélo de ma sœur et mon sac à dos et de la sorte, j’ai pu éviter mon père.

Je lui précise qu’il ne n’aurait pas permis de me rendre à la grève à peine arrivée à la maison, et que cela aurait encore fait des histoires. Alors qu’avec ma mère, cela ne la dérange pas outre mesure, du moment que je reviens aussitôt après avoir vu l’oiseau.

Je pense en moi-même, que je vais avoir des reproches de sa part pour ne pas être revenue directement du bateau à la maison, mais j’ai vu l’oiseau ! Et comme à l’habitude, ce sera l’éternel refrain. « Après l’heure ce n’est plus l’heure, tu attendras le repas du soir, va donc refaire le plein du bar et ranger les bouteilles à la réserve ! »

Yann nous a rejoint, sur la route nous échangeons des propos plus distrayants et plus passionnants. J’explique un vallon que Yann ne connaît pas encore, Stang Meur, ou à chaque fois que l’on pose le pied sur le sol, celui-ci vibre, on se demande si on va être englouti dans la tourbe, c’est vraiment impressionnant. c'est une éponge gorgée d’eau brunâtre, y avancer relève du tâtonnement.

Yann m’écoute attentivement, je continue, c’est un près de carex et de molinie ou les marouettes et les locustelles y trouvent un paradis migratoire, dans les larges bosquets de saules, c’est aussi celui de tous les pouillots.
Je lui précise que peu d’ornithologue le connaît et qu’il n’a pas la réputation des traditionnels vallons (stang en breton) d’Arland, du Korz, de Porz Gwenn.
J’aime expliquer mon île avec tous ses petits marais, tous ses petits vallons, et jusqu’aux buissons isolés.

J’en ai une connaissance parfaite, et j’en suis assez fier, et jamais avare de détail.
Je leur dis aussi que si j’en éprouve un sentiment de fierté, je suis aussi consciente d’avoir un but pour vivre sur l’île, voire un échappatoire à l’ennui et à la grisaille et qu’il est important d’avoir une passion pour parfois fuir l’envie de partir, mais de partir qu’à des moments choisis.
C’est à peu près en ces termes que nous avons rejoint les vélos, il n’y a pas eu de dialogue, mais un monologue de ma part, m’ont-ils laissées parler par politesse ? Ont-ils été captivés par mon débit ?
Nous en avons oublié Ty Korn avec son champ de pommes de terre, après nous être dit au revoir, Jean-Yves et Yann sont partis devant et je suis restée seule avec mes pensées, pédalant, flânant, oubliant mon mal en moi en rentrant à la maison.

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